Les artistes

Shafic Abboud
Etel Adnan
Farid Aouad
Dia Al-Azzawi
Alfred Basbous
Joseph Basbous
Michel Basbous
Assadour Bezdikian
Huguette Caland
Rafic Charaf
Saloua Raouda Choucair
Georges Doche
Simone Fattal
Laure Ghorayeb
Paul Guiragossian
Farid Haddad
John Hadidian
Joana Hadjithomas & Khalil Joreige

Jumana Bayazid El-Husseini
Dorothy Salhab Kazemi
Helen El-Khal
Simone Baltaxé Martayan
Jamil Molaeb
Fateh Al-Moudarres
Nicolas Moufarrege
Mehdi Moutashar
Aref El Rayess
Adel Al-Saghir
Mahmoud Said
Nadia Saikali
Hashim Samarchi
Mona Saudi
Juliana Seraphim
Cici Sursock
Khalil Zgaib

Au macLYON Beyrouth et les Golden Sixties présente un moment charnière de l’histoire moderne du point de vue d’une crise en cours, soulignant l’enchevêtrement des cycles passés et présents de fragilité et de résistance. Avec plus de 230 oeuvres d’art de 34 artistes et 300 documents d’archives provenant de plus de 40 collections privées, cette partie de la 16e Biennale de Lyon présente de nouvelles perspectives sur une période charnière de l’histoire de Beyrouth, une ville qui est toujours accablée par le poids de ses ambitions irréconciliables.

Beyrouth et les Golden Sixties : A Manifesto of Fragility est organisée par Sam Bardaouil et Till Fellrath. L’exposition est organisée en coopération avec le Gropius Bau, Berlin.

Beyrouth et les Golden Sixties : Un manifeste de la fragilité revisite un chapitre mouvementé du déploiement moderniste à Beyrouth, de la crise libanaise de 1958 jusqu’au déclenchement de la guerre civile au Liban en 1975. L’exposition revient sur une époque flamboyante dont l’influence globale toucha particulièrement Beyrouth. Elle souligne en quoi les collisions entre l’art, la culture et la polarisation des idéologies politiques firent de la scène artistique de Beyrouth un véritable microcosme des tensions dans cette région du monde.

L’exposition retrace l’effervescence artistique et politique d’une période aussi riche que brève. Suite à la déclaration d’indépendance du Liban vis-à-vis du régime colonial français en 1943, Beyrouth devient une destination prisée par de nombreux intellectuels et penseurs de la culture du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord arabophone. Du fait des révolutions, coups d’État et guerres qui se succèdent dans ces régions pendant les trois décennies suivantes, l’afflux de nouveaux habitants à Beyrouth se poursuit sans discontinuer. Encouragés en partie par la loi libanaise de 1956 sur le secret bancaire, qui empêche alors les institutions financières de divulguer l’identité ou les actifs de leurs clients, de nombreux flux de capitaux étrangers viennent également irriguer tout Beyrouth. Galeries commerciales, espaces artistiques indépendants et musées ouvrent continuellement. Beyrouth déborde de personnalités et d’opportunités, mais aussi d’idées. Cependant, sous la prospérité et l’abondance, les antagonismes s’aggravent et finissent par provoquer une guerre civile qui durera 15 ans.

Beyrouth et les Golden Sixties présente un moment décisif dans l’histoire moderne en prenant comme point de départ la crise permanente causée par l’enchevêtrement des luttes passées et présentes. Créée spécialement pour l’exposition, une installation multimédia de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige jette une lumière crue sur les effets délétères qu’opère la violence sur l’art et l’activité artistique, tout en rappelant l’importance du pouvoir de la poésie face au chaos. Grâce à un ensemble inédit d’oeuvres d’art et d’archives, l’exposition propose de nouvelles perspectives sur une période charnière de l’histoire de Beyrouth, une ville accablée par le poids de ses ambitions et où la question du rôle de l’art face aux difficultés reste chaque jour posée.

Le port de Beyrouth : Le lieu

L’histoire pluriculturelle de Beyrouth commence à l’Antiquité et de nombreuses confessions s’y installent dès sa création, au point que plusieurs actions politiques et pratiques artistiques estiment pouvoir situer les racines du caractère cosmopolite de Beyrouth dans les traditions et légendes précoloniales et prémodernes. Plus récemment, la position de Beyrouth en tant que plaque tournante discrète de capitaux étrangers a contribué au surnom douteux mais tenace du Liban comme la « Suisse du Moyen-Orient ».
Cette section met en scène différentes perspectives artistiques modernes qui révèlent le caractère incomplet et partial des nombreux qualificatifs accolés à Beyrouth.

Amants : le corps

Dans les années 1960, Beyrouth n’échappe pas à l’évolution de valeurs sociales qui se voient bousculées par l’apparition, dans le monde entier, des mouvements de libération sexuelle. Le message anti-establishment des protestations étudiantes de 1968 en France trouve un large écho auprès d’une jeunesse libanaise qui était déjà descendue dans la rue l’année précédente, après la défaite d’Israël face à la coalition des États arabes lors de la guerre des Six Jours en 1967. Issus d’Occident, les mouvements de libération des femmes alimentent la conversation dans les magazines de mode comme dans les journaux politiques locaux. La scène artistique de Beyrouth, qui abrite un groupe d’artistes aux origines sociales diverses, se situe aux avant-postes de ces débats d’actualité. Beaucoup d’artistes, dont des personnes queer qui se définissent au-delà d’un genre binaire, y trouvent un espace sûr pour créer et s’exprimer librement.
Cette section montre combien Beyrouth, en dépassant les limites traditionnelles de la société bourgeoise, fut un lieu d’expérimentations de nouveaux modes de vie.

Takween (composition) : la forme

Des artistes utilisant un large éventail de techniques, de matériaux et de styles convergent vers la scène artistique de Beyrouth dès les années 1960. Leurs nombreux centres d’intérêt influencent un paysage culturel dont l’émergence se fait grâce au soutien d’un réseau de mécènes et d’espaces d’exposition qui se développe simultanément. Ouvert en 1961 dans l’ancienne villa du célèbre aristocrate libanais Nicolas Ibrahim Sursock, le Musée Sursock organise très vite un Salon d’automne annuel où sont présentées les oeuvres d’artistes tels que Saloua Raouda Choucair, Huguette Caland ou Aref El Rayess. Le Centre d’Art, dirigé par l’écrivain surréaliste Georges Schehadé et sa femme, la mécène et galeriste Brigitte Schehadé, présente des gravures de Max Ernst, André Masson et d’autres surréalistes influents. En 1967, la mondaine Janine Rubeiz, dont la sensibilité est à gauche, ouvre Dar El Fan, un espace artistique qui sert de centre culturel pour la communauté artistique naissante, programmant, parallèlement des expositions de tapisseries et des projections de films soviétiques. Le Delta International Art Center permet au public de découvrir de nouveaux développements venus de l’étranger et organise par exemple une exposition des peintures abstraites de l’artiste franco-chinois Zao Wou-Ki en 1975. Cette section examine les articulations locales des diverses tendances modernistes à Beyrouth et met particulièrement l’accent sur la prédominance de l’abstraction dans les années 1950 et 1960.

Monstre et enfant : la politique

Les années 1970 voient une rapide escalade des tensions sociales dans tout Beyrouth. Les étudiants de l’Université libanaise organisent des manifestations dès 1972. La même année, les ouvriers de la chocolaterie Gandour se mettent en grève et les usines Coca-Cola, symboles de l’impérialisme occidental, suscitent la colère de la population locale. Des affrontements armés éclatent par intermittence à la frontière sud du Liban, notamment lorsque l’Organisation de Libération de la Palestine rétablit son siège à Beyrouth après sa défaite en Jordanie en 1970. Les crises régionales, en particulier la quatrième guerre israélo-arabe de 1973 et l’embargo pétrolier imposé par l’Arabie saoudite aux alliés d’Israël qui en découle, contribuent en outre à la dégradation de la situation politique à Beyrouth.
Cette section examine plus particulièrement la relation entre l’art et la politique dans les années qui précèdent le début de la guerre civile libanaise en 1975, lorsque le problème systémique du sectarisme des institutions sociales et politiques déstabilise tous les aspects de la vie quotidienne.

Le sang du phénix : la guerre

Le début de la guerre civile au Liban est un véritable désastre pour la scène artistique de Beyrouth. Les galeries et les espaces artistiques indépendants ferment tandis que les artistes fuient vers l’Europe, les États-Unis ou le golfe Persique. Certains artistes politiquement engagés restent à Beyrouth et rejoignent l’éphémère Mouvement national libanais, une coalition de divers partis politiques de gauche et de groupes indépendants qui combattent les milices nationalistes chrétiennes et cherchent à réformer l’État libanais. Les artistes créent également des affiches pour les partis sectaires qu’ils soutiennent. À la fin des années 1970, il ne reste de toute évidence plus aucune voie de résistance possible.
Cette section examine l’impact durable de la guerre civile libanaise sur la scène culturelle de Beyrouth.