Une expérience de la fragilité

Mars 2020 : le confinement est intervenu au musée des Beaux-Arts alors que nous sortions tout juste de l’exposition Drapé et que nous étions sur le point d’inaugurer une exposition consacrée aux Baigneuses et Baigneurs de Picasso. Pendant de longs mois, il m’a été impossible de savoir si nous pourrions finalement présenter au public ces trois Baigneuses que Picasso avait exécutées en février 1937 dans l’imminence d’un nouveau conflit mondial, peu avant Guernica et qui étaient exceptionnellement réunies. J’avais le sentiment qu’il fallait pleinement profiter de ce moment pour se projeter dans un futur qui intégrerait forcément ce que nous étions en train vivre et pour réfléchir à ce que serait le musée de demain. La déambulation au sein du musée que je m’imposais quotidiennement était devenue pour moi une vraie nécessité qui me permettait de voyager malgré le confinement à travers les civilisations et les époques. Je venais également voir ces grands chefs- d’œuvre que d’autres institutions avaient bien voulu prêter et dont j’avais la responsabilité. Ce fut également l’occasion d’éprouver aussi que la rencontre avec les œuvres resterait toujours une expérience exceptionnelle et ce d’autant plus après ce que nous avions vécu. Cet isolement forcé n’a peut-être jamais autant souligné la fragilité de nos institutions par rapport aux évènements. Mais aussi leur permanence et la force de leur histoire, ce pour quoi nous nous engagions avant de pouvoir retrouver le cours du temps.

Sylvie Ramond, directeur général du pôle des musées d’art MBA / MAC, directeur du musée des Beaux-Arts, conservateur en chef du patrimoine