À Oullins, Annika Kahrs est conviée à s'immerger au sein des réalités très différentes de la commune, composée de quartiers parfois éloignés géographiquement ou tout simplement lointains entre eux en raison de diverses frontières historiques, sociales ou psychologiques qui les séparent. Elle choisit d'investiguer cette situation à partir des personnes qui souhaiteront l'accompagner dans sa découverte et plus spécifiquement en prenant comme point de départ leur relation personnelle à la musique et au son, afin d’identifier quel rôle et quelle signification ceux-ci jouent dans leur famille, leur cercles d’ami·e·s et éventuellement plus largement au sein de communautés spécifiques. Ainsi, cette entrée en matière musicale s'inscrit en continuité de ses propres recherches autour du médium sonore qui la conduit toujours à inviter de nouveaux contributeur·ice·s au sein de ses processus de création.

En effet, si le travail d'Annika Kahrs repose principalement autour du film, de la performance et de la photographie lorsqu'il s'agit d'observer les formes exposées, ses œuvres sont le plus souvent portées par la présence de la musique traitée de manière picturale ou comme une piste sonore imagée. La musique est le prétexte d'une observation des notions de représentation et d'interprétation ainsi que des constructions sociales, scientifiques ou des relations entre les humains et les autres vivants qu'ils côtoient. Les œuvres se situent alors à la lisière entre la forme documentaire et une mise en scène quasi-chorégraphique où l'on peut apercevoir l'artiste parfois de manière fugace parmi toutes celles et ceux qu'elle convie pour co-écrire et habiter ses enquêtes et expérimentations poétiques.

Dans le cadre de son projet artistique à l'Eglise Saint-Bernard de Lyon qui sera présenté au sein du « manifesto of fragility » de la 16e édition de la Biennale, Annika Kahrs souhaite collaborer avec toute personne qui, à Oullins, produit ou écoute de la musique. Professionnelle ou amatrice, dans un contexte public comme privé, de tout âge et de toute origine sociale ou géographique, chacune d'entre elle est invitée à rendre audible et visible sa communauté artistique et ses créations. Après une collaboration engagée dans le cadre de la production de son œuvre, la relation ainsi tissée vise à amener l'artiste et ses collaboratrices et collaborateurs au développement d'une pièce sonore composée d'enregistrements de paysages sonores, de créations musicales et de paroles réalisés au sein et pour différents quartiers d'Oullins.
Cette exploration par la musique et ce qu'elle produit (sur les créateur·ice·s, les auditeur·ice·s, dans leur quotidien) feront l'objet d'une performance créée par et pour les habitant·e·s, invitant les participant·e·s à redécouvrir un lieu de rassemblement et de jeu désormais difficile d’accès au sein de leur commune. La production et l’écoute de la musique seront ici investies comme vecteurs de création en commun, d’identification des individus à des communautés mais aussi générateurs de tissu social. Au bout de la partition, peut-être sera-t-il alors possible d'entrevoir comment un quartier est créé aussi par les communautés qui le traversent; et surtout d'entendre les potentiels de transformation des voix des habitant·e·s lorsqu'elles sont déplacées.

Photo : Annika Kahrs avec son équipe et les interprètes pendant la réalisation de son œuvre "NO LONGER NOT YET" © Alexander Trattler