Édito par Guy Darmet, directeur artistique

Portrait Guy Darmet

Aujourd’hui, plus de 50% de la population mondiale vit en ville. En voyageant, je reçois des chocs, ne serait-ce que sur la route reliant l’aéroport à ces mégapoles, notamment latino-américaines ou africaines. Par exemple, si la modernité dans la vieille Europe est stratégie de rupture et reniement des acquis, dans d’autres cultures elle est au contraire assimilation et accumulation de savoirs, de pratiques, de techniques. Nous pourrions d’ailleurs faire un parallèle avec les compagnies de danse urbaine, particulièrement présentes cette année. Leur premier acte artistique n’a pas été de sortir des salles de spectacle mais, et pour cause, d’y entrer! Et nous les y avons aidées, dès le début. Aujourd’hui, c’est un mouvement fort, reconnu, présenté dans toutes les grandes salles. Je me suis aussi souvenu des expériences de Trisha Brown qui marchait le long des gratte-ciel new yorkais...
Je me dis qu’à Lyon, nous possédons un certain nombre de richesses architecturales. Je me mets donc à songer à des projets créés spécialement et surtout je m’attache à l’idée de Danse la Ville, donc investir toute la ville. Bien sûr, nous occupons déjà vingt théâtres, mais cela ne suffit pas. Avec Julie Desprairies, nous décidons ensemble de mettre au point un projet exemplaire pour un quartier tout aussi exemplaire : Les Gratte-Ciel. C’est un site patrimonial fort, dont la conception architecturale utopiste est déjà un microcosme culturel. Elle va travailler tout en finesse avec les habitants, les commerçants, les employés, les écoles... de ce quartier singulier. Bernard Menaut est tombé amoureux de Lyon et prépare des interventions dont certaines seront annoncées et d’autres surprises dans les cinémas, au marché, sur des lieux riches de tous les mélanges de populations possibles. Un chorégraphe régional, Jean-Claude Carles invente des droïdes qui iront se balader dans les rues...
J’ai souhaité que toutes les institutions de la ville participent à cette biennale. C’est un point extrêmement fort. Nous allons travailler avec l’Institut Lumière pour le cinéma sur des projections de comédies musciales en plein air, avec Septembre de la photo qui va inonder l’agglomération lyonnaise d’expositions sur la ville. Marie Chouinard va s’allier avec l’Orchestre National de Lyon. Le conservatoire de musique va intervenir ainsi que l’Ecole Nationale de musique de Villeurbanne, l’Ecole des Beaux-Arts... Et puis bien sûr, la tradition des cours de danse - cette année de samba et de Fóro - sur la place des Terreaux perdure!
Il y a quatre axes majeurs pour aborder cette biennale Danse la Ville : la danse urbaine, les villes qui ont la danse au cœur, c’est-à-dire où la danse peut déployer toutes ses dimensions, le rapport entre chorégraphie et architecture contemporaines qui est l’occasion de mesurer l’homme à son environnement urbain et le corps à l’architecture, et enfin, la danse dans l’espace public. Dans le Grand Lyon, nous possédons un certain nombre de richesses architecturales. Vingt-neuf villes sont représentées. Elles n’ont pas été choisies au hasard. Buenos Aires, Rio, Le Caire, Ouagadougou, Dakar, Johannesburg, Montréal… En filigrane, se dessinent des coups de chapeaux, des fidélités. C’est une notion à laquelle je suis très attaché. Chaque Biennale est d’ailleurs l’occasion de manifester cette fidélité à des idées, à des personnes que je soutiens depuis leurs débuts. Il y a Tunis et Hafiz Dhaou, jolie façon de rendre hommage au travail de Syhem Belkhodja qui a maintenu contre vents et marée ses rencontres de Carthage, Ouagadougou avec Salia Sanou et Seydou Boro qui vont ouvrir leur Centre chorégraphique cette année, Dakar avec Germaine Acogny, que nous avons toujours accompagnée, y compris quand personne ne voulait en entendre parler… Le Caire et la création de Karine Saporta, Johannesburg, c’est également le travail de Bénédicte Alliot à qui l’on doit la venue de tous les Sud-Africains que l’on a découvert ces dernières années. Les grandes villes d’Amérique latine que l’on va retrouver, et puis des redécouvertes comme Kim Itoh, un des grands succès de la Biennale 2000. Dans le domaine architectural, nous avons la chance d’avoir Frédéric Flamand qui creuse et développe ce rapport depuis longtemps, mais aussi João Saldanha qui a obtenu une bourse pour travailler sur Oscar Niemeyer. C’est d’autant plus passionnant par rapport à la danse que Niemeyer est un architecte de la courbe, le parallèle est fascinant. Enfin, il y a ceux qui semblent ne pas entrer directement dans le thème comme Nacho Duato, Alain Platel ou Jan Lauwers, mais l’occasion de les recevoir - en particulier dans la nouvelle salle conçue par Renzo Piano - était trop belle.

Guy Darmet, directeur artistique

L'Édito de Sylvaine Ven den Esch, adjointe à la programmation

La spécificité de l’édition 2006 sera constituée par un soutien élargi à la création (soutien déjà évident depuis de nombreuses années pour les compagnies implantées en Rhône-Alpes). Franchissant un cap, la Biennale apporte son soutien à plusieurs chorégraphes dans leur maturité. Chaque étape de la vie d’un artiste la met en danger et l’engagement fort des institutions est d’autant plus important. Les spectateurs de cette édition auront ainsi le privilège de participer à la naissance d’une dizaine de pièces. Nos engagements respectifs sont la clé de voûte de la pérennisation d’une recherche culturelle et esthétique centrée sur la diversité.

Sylvaine Ven den Esch, adjointe à la programmation