PAR DOMINIQUE HERVIEU, DIRECTRICE ARTISTIQUE DE LA BIENNALE DE LA DANSE

Dominique Hervieu

Lyon et la danse, c’est l’histoire d’une passion que la 17e édition de la Biennale de la danse continuera de faire vivre. Pour que cet art continue d’être un marqueur fort de l’identité culturelle de la Métropole et de la Région, pour que les oeuvres chorégraphiques touchent les néophytes et surprennent les amateurs éclairés, je continuerai de développer les trois missions qui fondent mon action depuis mon arrivée. La première est de soutenir la production d’oeuvres qui naîtront à la Biennale de Lyon. La deuxième est de montrer toute la diversité de cet art extrêmement vivant. Enfin, la troisième est de permettre à tous d’accéder au sens, dans le foisonnement de la création actuelle en poursuivant toujours le même objectif : présenter une Biennale à la fois populaire et expérimentale.

La biennale de la danse 2016 ouvre grand ses portes au musée des confluences.

Pour la première fois depuis la création de la Biennale de la danse, une exposition de grande envergure sur l’histoire de la danse sera présentée en écho à la programmation internationale de la Biennale. Cette exposition, intitulée Corps rebelles, sera proposée par le musée des Confluences.

Ce Dialogue Concret Entre Histoire Et Création Est Une Chance Unique.

Lors de cette édition 2016, vous pourrez être tour à tour spectateur au théâtre et visiteur au musée des Confluences, vous pourrez ainsi mieux décrypter le monde de la danse pour « tout simplement » mieux jouir des oeuvres !
La danse a considérablement évolué depuis le début du XXe siècle et le sens de la beauté a été régulièrement remis en question. Il y a eu le « scandale » du Sacre du printemps de Nijinski en 1913 au Théâtre des Champs-Élysées, le développement de la danse moderne, puis, dans les années 1950-70, la découverte du travail révolutionnaire de Merce Cunningham aux États-Unis, de Pina Bausch en Allemagne et en France de Maurice Béjart, dont on appréciera un extrait de Messe pour le temps présent au sein du musée des Confluences.
Depuis les années 1980, nombreux sont les réformateurs et les radicaux qui ont questionné leur art avec des concepts novateurs et des langages inédits.
Aujourd’hui, il est loin le temps où les « révolutionnaires » tournaient le dos aux « réformateurs », et où les spectateurs étaient tenus de choisir leur camp... L’heure est à l’hybridation, au métissage, aux emprunts inattendus dans les registres savants ou populaires. Les artistes piochent dans l’histoire de l’art et jonglent avec les références.
La Biennale de la danse vous propose de plonger au coeur du foisonnement de la création chorégraphique actuelle, où l’on danse minimaliste, exotique, glamour, néo-classique, politique, où l’extraordinaire diversité des matériaux et des démarches continue de nous étonner, un siècle après le Sacre du printemps.

La danse est branchée sur un courant continu d’exploration, d’inconnu, de surprises... On y croise très souvent... L’inattendu ! La joie de relier les vingt-trois créations internationales de cette biennale, et les quinze spectacles en diffusion aux chefs-d’oeuvre de l’histoire de la danse, est immense. C’est une occasion exceptionnelle de pouvoir observer comment, en art, héritage rime avec créativité.

En plus des liens que nous tisserons entre « les corps rebelles » de l’exposition et ceux d’aujourd’hui, nous ferons ressortir le fil rouge de la programmation : la revitalisation des démarches contemporaines par des formes artistiques populaires et le goût du “cross over“. Un certain nombre d’artistes montrent aujourd’hui leur intérêt pour ces formes « populaires » qui ont accompagné à plusieurs moments de l’histoire des crises économiques, des luttes, des émancipations. Yan Duyvendak a imaginé la comédie musicale Sound of Music qui se saisit à contrepied des inquiétudes du monde, dans un mouvement inspiré des débuts de la comédie musicale de Broadway lors de la crise de 1929. Olivia Ruiz chantera dans une comédie musicale cosignée avec Jean-Claude Gallotta. Pharell Williams créera pour la première fois une composition musicale pour une oeuvre très abstraite du chorégraphe américain Jonah Bokaer, en collaboration avec l’artiste plasticien Daniel Arsham. Toutes ces formes seront revisitées et interrogées par les forces de la création contemporaine. Un parcours « savant-populaire » vous guidera dans la découverte des créations de Bouchra Ouizguen, le Groupe Acrobatique de Tanger et du duo Cecilia Bengolea et François Chaignaud.
Un deuxième parcours autour des « grands interprètes » est proposé. Les grands maîtres chorégraphes de la fin du XXe siècle, Dominique Bagouet, Maurice Béjart, Merce Cunningham, Pina Bausch, nous ont quittés ces dernières années. D’autres immenses créateurs, comme Édouard Lock et William Forsythe, ont interrompu l’activité de leur compagnie.
La Biennale de la danse met à l’honneur leurs héritiers, qui reprennent le flambeau de la création contemporaine. Pour mieux connaître quatre artistes d'exception : Olivia Grandville, Cristiana Morganti, Jonah Bokaer et Louise Lecavalier, la Biennale de la danse vous propose de découvrir leurs dernières créations et de les retrouver au cours d’un cycle d’interviews intitulé Dancers Studio.
Les artistes présents à la Biennale 2016 sont plutôt de ceux qui recourent à l’art pour répondre à la crise. Ils rejettent le repli, à l’heure où, pour paraphraser Iouri Dombrovski, « l’homme a plus que jamais besoin d’inutile ». Devant l’incertitude du monde, ils répondent au désastre par l’exercice du plus grand art et déjouent les menaces de l’immobilisme en créant et en partageant l’art le plus libre et le plus exigeant. C’est cette apparente « inutilité » qui rend l’art indispensable.
À l’instar d’Israel Galván qui revendique de continuer à réinventer sa danse, d’autres créateurs auxquels la Biennale de Lyon demeure fidèle continueront de nous étonner : Alain Platel et son Mahler Projekt (titre provisoire), Jan Fabre qui se mettra personnellement en jeu dans une performance en solo, dans le cadre de la rétrospective que lui consacre le Musée d’art contemporain de Lyon. Nous découvrirons la première création jeune public d'Akram Khan et le nouvel opus d'Olivier Dubois pour vingt-quatre danseurs, annoncé comme une course vers un absolu...
Vingt et un chorégraphes seront invités pour la première fois à la Biennale de la danse de Lyon. Seize nouvelles villes de la Métropole et de la Région programmeront des œuvres chorégraphiques dans leurs théâtres. Je me réjouis de les accueillir dans cette aventure et leur souhaite la bienvenue.

La biennale de la danse 2016 vous invite à la rencontre du sens et du plaisir. J’espère de tout cœur que ces œuvres constitueront pour vous un formidable vecteur d’énergie.