Le programme Veduta de la Biennale propose des situations de rencontres, d'échanges et de créations partagées à l’échelle de la métropole lyonnaise et de la région Auvergne-Rhône-Alpes. En 2021-2022, le programme a été accueilli par 15 territoires (Cibeins, Chanay, Clermont-Ferrand, Communauté d’Agglomération de l’Ouest Rhodanien, Fontaines-sur-Saône, Francheville, Givors, Le Grand Parc Miribel Jonage, Lyon (7e et 8e), Meyzieu, Oullins, Pierre-Bénite, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, Saint-Fons et Vaulx-en-Velin).

Directrice artistique : Isabelle Bertolotti
Responsable de Veduta : Adeline Lépine

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En complément de votre visite, venez écouter les artistes de la Biennale parler de leurs créations dans le cadre du programme Veduta !

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Édito 2021-2022

« La naissance ne constitue pas tant un commencement qu'un changement abrupt, un bouleversement des conditions jusque-là offertes dans l'utérus, et il y a la gravité. Avec elle, une nouvelle négociation débute, dont les termes nous conditionnent pour le restant de nos jours. »
Extrait de La Gravité, Steve Paxton. Publié en français par les éditions Contredanse, 2018

La Biennale d’Art Contemporain de Lyon, dès sa création, a choisi de considérer son territoire comme son centre de gravité et sa source de créativité. À l’échelle des Biennales dans le monde, cela constituait alors une posture atypique : être autant locale qu’internationale. En 2007, l’acte de naissance de Veduta renforce cette volonté et permet même à la manifestation de l’approfondir en intégrant pleinement les regardeuses et les regardeurs, les usagères et les usagers du territoire. Le programme se constitue d’interprétation à partir, également, des conditions sociales, historiques, géographiques et économiques des réceptions. Afin de s’émanciper des limites matérielles imposées par l’œuvre ou par l’objet exposition, Veduta propose de les inscrire dans des processus : des résidences, des commissariats à partager, des déambulations physiques et mentales. Ainsi le sens n’est plus à expliquer, mais à vivre ; l’œuvre devient un potentiel à activer, recréer et actualiser à plusieurs.

Dans cette démarche qui se constitue de rencontres et de dialogues, il est désormais possible d’observer ce que « fait » l’art : comment il se produit, comment il se diffuse et ce qu’il génère. L’expérience collective et le projet de médiation n’est plus d’affirmer la prévalence d’un sens ou d’un rapport à l’art contemporain, mais au contraire de rappeler que la réception est le lieu d’affirmation de la vivacité de l’art, qu’elle est multiple et protéiforme et que c’est bien là que réside sa richesse. Aussi, en associant des personnes curieuses, des artistes, des œuvres et des écosystèmes, Veduta se confronte en permanence à la fragilité de cet art vivant qui se fond dans la vie et qui la rend « plus intéressante que l’art »1.

« travailler avec un paradoxe
définir l'insaisissable
visualiser l'invisible
communiquer l'incommunicable
ne pas accepter les limites que la société a acceptées
voir d'une nouvelle manière
(…) être obsédé par la créativité »

Extrait du Manifeste d’Agnès Denes, 1969

2021, année de transition pour Veduta que nous finissons de parcourir avec les partenaires et les habitant.e.s qui ont pu se joindre à nous, nous a rappelé l’importance de revenir aux racines du programme. Avec pour socles la rencontre et la convivialité 2, les expériences co-fabriquées de Veduta ont permis un retour à la proximité, l’hospitalité puis l’intimité entre celles et ceux qui se sont réunis. Agissant selon le pouvoir des liens faibles 3, en associant des personnes qui, souvent, ne se connaissent pas et malgré les vicissitudes d’une situation globale (entre annulations et reports, engagements et désengagements, possibilités et contraintes de vie), des « communautés par le faire » ont démarré un certain nombre de projets, prouvant la nécessité d’être à nouveau ensemble et le désir de naviguer encore entre intérieur et extérieur ; de poursuivre l’exercice de la démocratie.

Au sein de cette 16e Biennale pensée comme un « manifeste de la fragilité » et reportée à 2022 en raison de la pandémie, Veduta a donc constitué un point de repère, un port d’arrimage, un « manifeste de la gravité », celle qui nous maintient en attraction permanente vers le centre de la terre, notre environnement et les autres ; celle qui assure une chute sur le sol et le maintien du corps selon un certain équilibre quand l'horizon n'existe plus 4.

C’est avec la même volonté de résistance et de poursuite que le projet 2022 s’écrit afin de tenter de répondre à travers l’expérience des œuvres nomades et des processus à co-écrire aux questions qui traversent nos existences : « Pourquoi n’y a-t-il pas une découverte dans la vie ? Quelque chose sur laquelle on peut poser les mains et dire « c’est ça » !? » 5. Où en sommes-nous désormais ? Quels sont les bruits qui nous parviennent ? Comment réinvestir les lieux du commun ? Comment s’emparer de la gravité de nos vies et des flux permanents qu’elle génère ? À travers la recherche des racines qui nous lient à la terre et à l’ensemble des formes de vie ; l’investigation des histoires et fictions qui parcourent les espaces du collectif ; l’observation de la fertilité de l’indésirable et de l’invisible ; ou encore la collecte de paroles et de savoir-faire oubliés à transmettre avant leur disparition annoncée, les projets artistiques 2022 ne visent pas à trouver des réponses... En revanche, ils tendent à participer d’une poursuite de la transformation des manières de créer, d’agir et d’être ensemble.

« Il en est des corps politiques comme des corps célestes ; ils agissent et réagissent les uns sur les autres, en raison de leur distance et de leur gravité. »
François-René de Chateaubriand, Essai sur les révolutions, 1796

Adeline Lépine
Responsable de Veduta


1 D'après Robert Filliou
2 Soit « l’ensemble des rapports autonomes et créateurs entre les personnes d’une part, et des rapports entre les personnes et leur environnement d’autre part » - Ivan Illich, La convivialité, 1973, réédition au Seuil, Points Essais, 2003
3 Titre de l’ouvrage de Sandra Laugier et Alexandre Gefen, CNRS Editions, 2020. Les « liens faibles » sont les liens à d’autres qui s’inscrivent hors de la famille, du travail et de l’amitié, mais qui sont constitutifs d’un partage d’expériences hors de l’espace domestique ou professionnel et qui nous définissent comme sujets sociaux.
4 Voir les recherches d'Hito Steyerl à propos de l'horizon à l'ère des connexions, de l'absence de possibilité de projection, de la surveillance organisée… et où seule la chute semble être la possibilité de fuite (In Free Fall : A Thought Experiment, conférence, 2011 pour BAK Critical Readers in Contemporary Art)
5 Extrait du journal de Virginia Woolf, 1925.

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